Les sports en eau douce sont mis à l’honneur durant ces évènements olympique et paralympique. Bactéries, parasites, virus : qui l’emportera ?
- La Médaille d’Or est attribuée à l’équipe des Germes Fécaux. Le capitaine est Escherichia Coli. Les co-équipiers sont Enterococcus faecalis, Salmonella, enterovirus et hépatite A.
Témoins de la présence de matières fécales dans l’eau de baignade en raison, par exemple, de déversements des égouts ou de substances souillées, ces germes offensifs passent à l’attaque en provoquant des affections digestives (gastro-entérite, hépatite), respiratoires, cutanées (infections de plaies) et/ou ORL (pharyngites, otites). Les sportifs de haut niveau sont souvent fragiles vis-à-vis des infections, ils sont donc des cibles bien appréciées par E.Coli et sa team ! Certaines souches d’E.coli sont plus virulentes que d’autres.
Le délai d’incubation d’E.coli entérohémorragiques (ECEH) est de 3 à 4 jours.
Vomissements, diarrhées, possiblement sanglantes, fièvre sont les principaux symptômes. Une forme sévère et peu fréquente (heureusement !) appelée SHU (syndrome hémolytique et urémique) peut être fatale.
Le traitement est symptomatique (hydratation +++). Les antibiotiques sont à éviter en raison du risque de libération de Shiga-toxine. Les anti-diarrhéiques sont déconseillés (pour permettre aux bactéries et aux toxines de s’évacuer). L’amélioration survient en quelques jours.
La prévention repose sur l’analyse de l’eau de baignade. Les seuils en France, pour la baignade en eau douce sont fixés à 1800 UFC/100ml pour E.coli et 660 UFC/100ml pour les entérocoques intestinaux. Pour information, le seuil pour la baignade et la natation pour E.coli au Québec est fixé à 200 UFC/100ml. Les analyses de l’eau de la Seine du 21/07 montraient un niveau de concentration d’E.Coli de 2000 UFC/100ml et supérieur à 750 UFC/100ml pour les entérocoques1. La qualité de l’eau est donc impropre à la baignade.
- La Médaille d’Argent est remportée par la leptospirose, ovationnée par les rats !
La leptospirose est transmise par le contact d’urines d’animaux contaminés par des bactéries du genre Leptospira, sur la peau lésée ou sur les muqueuses. Les animaux, réservoirs de l’infection sont nombreux. On peut citer les rongeurs (rats, souris, ragondins), les renards, des animaux d’élevage (ovins, caprins, bovins, porcs, chevaux), chiens. On dénombre 600 à 800 cas par an en France. Une étude bretonne de 2019 (enquête IDEA 2019) indiquait que 5,3% des triathlètes interrogés avaient développés une leptospirose2.
La durée d’incubation est de 4 à 14 jours.
Les symptômes ne sont pas spécifiques et le diagnostic n’est pas forcément aisé.
La maladie évolue en 2 phases :
- Phase initiale bactériémique : fièvre brutale (> 39°C), frissons, myalgies, fatigue, céphalées, diarrhées, nausées, vomissements, douleurs abdominales, éruptions cutanées, conjonctivite, hémorragies sous-conjonctivales.
- Phase d’état immunologique : complications rénales, hépatiques, respiratoires, hémorragiques, cardiaques et méningées pouvant être graves et nécessiter une hospitalisation survenant vers le 4e Ces complications peuvent être fatales dans 5 à 50% des cas.
Le diagnostic repose sur des arguments anamnestiques, cliniques, épidémiologiques et biologiques (sang et urine, Tests PCR et ELISA IgM).
Le traitement consiste en une antibiothérapie la plus précoce possible. Les patients atteints de formes graves doivent être hospitalisés pour prise en charge des complications. La déclaration de la maladie est obligatoire.
La prévention est indispensable. Il faut éviter de se baigner en cas de plaie. Il faut prendre une douche savonneuse après la baignade et bien rincer le matériel.
Il existe un vaccin recommandé pour les professions exposés comme les égoutiers. Pour les sportifs, la vaccination est à discuter au cas par cas.
En mars 2024, les Conseils d’administration de l’Académie d’Agriculture de France, de l’Académie nationale de Pharmacie et de l’Académie Vétérinaire de France ont établi un rapport sur la « Prévention de la leptospirose chez les athlètes et les professionnels associés lors des jeux olympiques et paralympiques Paris 2024 » 3. Ils ont proposé des mesures de densité de leptospires dans la Seine, d’informer les médecins, de traiter précocement en cas de symptômes (antibiothérapie), de discuter de la vaccination et de réduire la population de rongeurs.
- La Médaille de bronze revient aux Cyanobactéries
D’une couleur bleutée, les cyanobactéries ne sont pas des micro-algues mais bien des bactéries. Elles prolifèrent dans les eaux troubles dépassant les 15°C, sous un soleil généreux, en présence d’azote et de phosphore (ex : engrais).
Elles contaminent l’eau en produisant des toxines hépatiques, neurologiques ou encore dermatologiques.
Après avoir nager (délai d’incubation variable de quelques minutes à quelques heures) dans de l’eau contaminée, peuvent apparaître une irritation oculaire, des éruptions cutanées autour de la bouche et du nez, des allergies, de l’asthme, des troubles digestifs. Des effets à long terme sont rapportés dans la littérature : cancers, atteintes hépatiques, maladies neurodégénératives (parkinson, sclérose latérale amyotrophique)4.
Le traitement est symptomatique.
- Juste au pied du podium :
Dermatite des nageurs :
Appelée aussi la puce du canard, elle est induite par une larve de parasite (schistosomes) d’oiseaux aquatiques (canard, cygne, oies). Cette affection est bénigne et se manifeste sous la forme d’un prurit diffus (ça gratte beaucoup) et d’une éruption maculo-papuleuse. Le traitement est symptomatique pour soulager le prurit. Une douche savonneuse en frottant énergiquement après la baignade peut réduire l’infestation.
Staphylococcus aureus :
Il peut se manifester par une surinfection de plaies préexistantes, des furoncles, des folliculites et d’autres pathologies cutanées (impétigo bulleux, syndrome de la peau ébouillantée). Ces lésions cutanées doivent être traitées afin d’éviter une diffusion de la bactérie dans le sang (bactériémie, sepsis). En cas d’ingestion des toxines du Staphylococcus aureus, des vomissements, des diarrhées et des douleurs abdominales surviendront rapidement et disparaitront en quelques heures sans traitement spécifique.
Giardia intestinalis : juste en embuscade !
Ce parasite intestinal provoquera dans 7 à 20 jours des douleurs gastriques périodiques. Le diagnostic repose sur l’examen parasitologique des selles. Le traitement est un antibiotique anti parasitaire (métronidazole).
- Tularémie : l’outsider en progrès !
Cette bactérie infecte des rongeurs, lapins, lièvres, sangliers, tiques. La contamination peut se faire par contact direct avec l’animal porteur ou via l’environnement contaminé (eau de baignade). Francisella tularensis, infecte sa cible par projection dans l’œil, par contact avec la peau humide ou par ingestion d’eau contaminées (et morsure de tiques).
Le délai d’incubation de de 2 à 14 jours. Ganglions, toux, fièvre, essoufflement, atteinte ORL devront faire suspecter la maladie. L’évolution vers une septicémie voire le décès dans les cas sévères est possible.
Le traitement antibiotique est efficace avec une guérison rapide. Cette maladie est à déclaration obligatoire. Plus fréquente en Amérique du Nord, en Scandinavie et en Russie, la tularémie est en augmentation en Europe.
- En conclusion :
Germes fécaux, leptospirose, cyanobactéries sur le podium des sports en douce, suivis par la puce des canards, les staphylocoques, giardia et la tularémie.
L’eau est un trésor essentiel et indispensable à la vie. Il est fondamental de la préserver, de la respecter et d’arrêter de déverser toutes ces substances toxiques (pesticides, engrais chimiques, déchets industriels, égouts, matières fécales…)
Sources :
2. Enquête IDEA 2019 – Risques sanitaires liés à la pratique des sports en eau douce en Bretagne, https://idea.ehesp.fr/2019/11/07/enquete-idea-2019-risques-sanitaires-lies-a-la-pratique-des-sports-en-eau-douce-en-bretagne/
3. https://www.acadpharm.org/dos_public/RAPPORT_FINAL_LEPTOSPIROSE_JO_2024_VF_2024.03.12.PDF
4. https://www.cyanobacteries.com/Sante_Prevention.H.htm
5. https://www.auvergne-rhone-alpes.ars.sante.fr/sports-en-eaux-vives-risques-sanitaires